…ou l’art des bouquets de branches

Il y a fort longtemps, je m’amusai à faire des trous dans des vieux bouts de bois, à y insérer des tubes à essai et à appeler cela des soliflores. Le tout petit réservoir d’eau permet d’y mettre seulement quelques tiges, un peu comme dans l’art floral japonais de L’Ikebana.

J’ai l’impression que cet art est un peu passé de mode, mais j’ai récemment reçu ce petit livre en héritage : IKEBANA Sogetsu Fleurs Arrangements pour les débutants* a ravivé mon intérêt pour ces arrangements floraux et m’a incitée à dépoussiérer mes vases en bois.

Contrairement aux bouquets occidentaux qui privilégient la quantité, la diversité et la couleur des fleurs, les compositions florales japonaises accentuent l’aspect linéaire de l’arrangement et valorisent autant le vase, les branches et les feuilles que les fleurs.
Dans le style « Ten-Chi-Jin », par exemple, trois éléments végétaux symbolisent la relation entre le ciel, la terre et l’homme. A l’image de cette relation, les compositions sont très asymétriques. C’est l’autre grande différence avec nos bouquets qui tendent plutôt vers les formes symétriques.
Il existe d’innombrables styles et écoles de l’Ikebana, mais cette citation de Kizashi, de l’école Shinenshu, traduit bien l’esprit de cet art ancestral :

 Dans l’Ikebana la théorie n’est pas tout. L’Ikebana c’est surtout savoir observer les plantes et savoir les approcher. À leur contact une conversation intime se noue. L’Ikebana enseigne ce langage et permet à chacun de devenir artiste avec une branche. »

C’est par hasard que j’ai choisi les branches du Cognassier du Japon pour mes arrangements. A vrai dire, je n’ai pas encore beaucoup de fleurs au jardin en ce moment. Et ces jolies branches fleuries ne viennent même pas de mon propre jardin, mais de celui de nos gentils voisins.
Chaque printemps, en voyant leur magnifique Cognassier (Chaenomeles pour les savants), je me dis qu’il faudrait en faire une bouture (facile d’après mes sources**), mais quand arrive le mois d’octobre et le moment de passer à l’action, j’ai oublié la splendeur des fleurs rouges. Car le reste de l’année, cet arbuste est assez insignifiant. Mais en mars prochain je le regretterai à nouveau.

Les tiges du Cognassier du Japon, ou Cognassier à fleurs, tiennent très bien en vase. Les fleurs apparaissent avant les feuilles, ce qui accentue l’effet graphique et convient particulièrement bien aux bouquets japonisants. Comme pour tous les bouquets de branches, il faut soit entailler les tiges, soit les écraser afin de faciliter l’absorption de l’eau.
On peut passer des heures à essayer de trouver le bon agencement des tiges pour un effet artistique. L’Ikebana est un art méditatif ! Et les quelques pétales qui tomberont au fil des jours ajouteront une note de réflexion sur le ciel, la terre et l’homme…

*Sofu Teshigahara, ni date ni édition pour cet ouvrage.
**Dans La Multiplication des plantes, encyclopédie pratique Truffaut, Singapour, Bordas, 2001, les boutures ligneuses se font d’octobre à janvier et sont faciles à réussir.