Trop tôt, les messagers du renouveau ?
En faisant une petite ronde au jardin à la mi-janvier 2016, on pouvait constater l’incroyable avance de la nature sur le calendrier. La douceur prolongée depuis l’automne semblait avoir fait croire aux plantes qu’il n’y aurait pas d’hiver cette année. Même le petit froid et les quelques flocons de neige n’ont rien changé aux agitations printanières dans les plate-bandes.
Comme leur nom l’indique, les roses de Noël sont attendues au mois de décembre. Il est tout de même plus habituel de les voir fleurir à la fin janvier, surtout dans un jardin exposé aux vents frais comme le mien. Cette année, elles ne se sont pas faites prier pour sortir leurs jolies têtes de l’épaisse couche de feuilles mortes que je leur laisse en guise d’édredon, et cela avec un bon mois d’avance.
Chez mes voisins, le cognassier du Japon est en fleur depuis Noël. C’est le même qui m’avait fourni des branches pour un bouquet le 26 mars de l’année dernière ! Un tel décalage de floraison est pour le moins déroutant. Mais comme on adore les signes avant-coureurs du printemps, qui oserait se plaindre du magnifique spectacle?
Du côté de mes plate-bandes, les écarts se creusent : Géranium macrorrhizum ‘Spessart’ est censé fleurir de mai à juillet. Parfois, j’ai déjà constaté une petite remontée en toute fin d’été, mais là, les premières fleurs sont apparues début janvier ! Quatre mois d’avance, qui dit mieux ?
Le bleuet ou la centaurée des montagnes fleurit également à partir du mois de mai. Là aussi, on peut avoir une autre vague de fleurs en fin d’été, surtout si on a pris le soin d’enlever les fleurs fanées. De là à ne pas s’arrêter de fleurir du tout, c’est quand même surprenant !
Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos étonnements : Astrantia major m’a sorti quelques belles fleurs en début d’année alors que son entrée en scène n’est prévue qu’au mois de juin ! Les quelques jours de gel et les quelques heures de neige d’il y a dix jours n’ont rien changé à sa beauté immaculée au milieu d’un parterre désolé.
L’apparition de quelques fleurs à peine colorées sur mon chèvrefeuille a été la découverte la plus stupéfiante de ce mois de janvier. Lonicéra ‘Serotina’ m’étonne souvent avec la sortie très précoce de son feuillage bleuté, mais là, il s’agit de véritables fleurs ! Normalement, elles ne sont pas attendues avant le mois de juin et puis se renouvellent en octobre. Le manque de lumière explique peut-être leur pâleur et le manque de chaleur l’absence d’odeur, d’habitude si envoûtante.
L’incroyable hardiesse de ces fleurs m’a fait réfléchir à leur soit-disant précocité. Et si, au contraire, c’était un extraordinaire retard ? Si elles n’étaient pas les premières fleurs de la nouvelle saison mais les dernières d’un automne sans fin ? D’un automne auquel nulle période de gel ou de froid vif n’aurait signalé que c’en était fini du spectacle. Je suis donc tentée de croire que certaines de ces fleurs jouent les prolongations. Espérons juste qu’elles ne s’épuisent pas à ce jeu.
En attendant, je n’ai pas pu bouder mon plaisir et j’ai réuni tout ce beau monde en un bouquet d’hiver – dans une chaufferette en fonte…
Magnifique le bouquet! Eh oui, moi aussi, je me demande si l’on peut penser à ces fleurs comme les dernières plutôt que des premières… Mais c’est la fleur sur mon cerisier ornemental qui m’a convaincu que c’était trop d’optimisme de raisonner ainsi. C’est vrai cependant que ça fait moins peur, que c’est moins déroutant de penser que les plaisirs se prolongent plutôt que de penser que tout et n’importe quoi peut arriver… et que peut-être les vraies floraisons printanières seront moins riches, puisque les plantes épuisées et déboussolées.
Tout autre sujet, je viens de lire un article dans le NY Times au sujet du raccourcissement de la durée d’attention moyenne (on serait passés de 12 secondes en 2000 à 8 secondes). Le journaliste conseille le jardinage pour apprendre ce que c’est le temps. 🙂
Merci pour ton commentaire et la confirmation que jardiner ce n’est que du bien!