Fermentation facile avec Hermann
Au début des années quatre-vingt, dans ma petite ville natale de l’Est-Westphalie, nous accueillions un drôle de pensionnaire dans notre frigo : Hermann, une pâte fermentée d’aspect peu engageant. La mère d’une amie de ma sœur nous l’avait passée mais ça aurait pu être la voisine car tout le monde semblait avoir un Hermann chez soi à ce moment-là. Incrédule, j’écoutai les instructions de ma sœur selon lesquelles il fallait nourrir et quotidiennement tourner Hermann, et au dixième jour en faire un gâteau !
Depuis quelque temps, il y a un intérêt croissant pour les aliments fermentés dans notre société un peu sur-aseptisée. La peur des microbes nous a poussé si loin dans la recherche de la sécurité alimentaire que nous avons jeté le bébé avec l’eau du bain, les bons microbes avec les mauvais. Résultat : une nourriture industrielle sûre, certes, mais aussi inerte et sans grand intérêt nutritionnel.Avant l’invention de la stérilisation en bocaux, la réfrigération et la congélation, dans le but de rendre la conservation des aliments plus sûre et durable, la fermentation était l’une des principales méthodes pour garder les denrées. Dans son excellent livre « Cooked »* (malheureusement pas encore traduit en français), Michael Pollan écrit que les plus vieilles fermentations consistaient à creuser un trou en terre, d’y déposer légumes, fruits, graines, racines ou autre et d’attendre. La terre gardait une température stable et basse et fournissait peut-être même les microbes utiles à une lactofermentation (par lactobacilles). Avec le temps, le trou de terre a évolué vers un pot en terre dans lequel on pouvait convenablement faire fermenter la choucroute, par exemple.
Dans le cas de la choucroute, les lactobacilles sont naturellement présents dans le chou, mais qu’en était-il de l’agent de fermentation du Hermann de mon enfance ? Est-ce qu’il fallait que j’attende l’improbable retour à la mode de cette pâte bizarre qu’on se passait les un aux autres ? Ou est-ce qu’on pouvait la fabriquer soi-même comme un levain ? Après une petite recherche sur la toile, je trouvais les explications de quelqu’un qui, comme moi, avait eu un moment de « madeleine de Proust » en pensant au goût inoubliable de Hermann et qui possédait le « secret » ! (Les informations se trouvaient sur le site forum-haustiere.de, ce qui veut dire animaux de compagnie !)
Pour démarrer votre fermentation, il vous faut un grand bocal d’au moins un litre (Hermann pousse!) dans lequel vous mélangez avec un ustensile en bois ou en plastique (pas de métal, mais ne me demandez pas pourquoi) :
- une tasse (250 ml) de farine
- une tasse d’eau
- une cuillère à soupe de sucre
- la moitié d’un cube ou d’un sachet de levure de boulanger
La levure de boulanger contient différentes souches de Saccharomyces cerevisiae, un micro-organisme également présent dans la fermentation du vin, du kéfir et de la bière. Il s’agit donc ici d’une fermentation alcoolique, les microbes se nourrissant du sucre. D’ailleurs, au bout de très peu de temps on peut détecter une agréable odeur d’alcool chez Hermann.Couvrez le bocal mais ne le fermez pas hermétiquement car la fermentation va produire des « gaz » ! Mettez ensuite votre Hermann au frais, mais pas au frigo, pendant deux jours. Après quoi vous le mélangerez à l’aide de votre ustensile non métallique et le mettrez au frigo pendant trois jours (remuez-le de temps en temps, une fois par jour au minimum).
Au cinquième jour, vous allez nourrir votre Hermann avec :
- une tasse de farine
- une demi-tasse de sucre
- une tasse de lait
Mélangez bien, et vous devrez à nouveau remuer Hermann tout les jours et bien surveiller sa croissance : il m’est souvent arrivé que Hermann dépasse les bornes et sorte de son bocal ! Car avec toute cette nourriture, la fermentation s’emballe.Au dixième jour, après vous être si bien occupé de lui, vous allez pouvoir préparer un délicieux gâteau dont je vous donnerai la recette la semaine prochaine …!
*Michael Pollan, Cooked, London, Penguin books, 2013.
En vous lisant, il me semble avoir entendu cela Durant mon enfance…. je vais poser la question à maman . J’attends le verdict de la recette la semaine prochaine!
Bon wk
Laurence
Ce serait drôle et pas impossible que Hermann a existé en France. J’aimerais bien connaître son petit nom. En espérant que votre maman se souvienne…bon week-end!